Utile, mais ...

Il est indéniable que l'approche « end of pipe » a rendu, et rend toujours, de grands services. Toutefois, on peut relever un certain nombre de limitations à cette stratégie centrée sur le traitement de la pollution :

  1. C'est une approche sectorielle, qui considère séparément l'eau, l'air, les sols, ne prenant pas en compte la nature systémique de la Biosphère. En pratique, cette approche sectorielle revient ainsi souvent à déplacer une pollution d'un milieu à un autre, par exemple la pollution aquatique dans des boues d'épuration. Ce transfert de pollution, qui peut s'avérer momentanément et localement bénéfique, ne résout donc pas véritablement les problèmes d'environnement.

  2. C'est une approche incrémentale, qui procède par petites améliorations successives des activités économiques. De ce fait, elle ne favorise pas vraiment l'innovation.

  3. Une caractéristique de l'approche incrémentale réside dans son coût de plus en plus élevé pour une efficacité proportionnellement moindre. Considérons exemple d'un filtre retenant 60% des polluants d'un effluent gazeux: pour passer d'une efficacité de 60% à 80%, puis à 90%, 95%, etc., le coût (lié à la difficulté technique) augmentera de plus en plus pour un gain en efficacité proportionnellement de plus en plus petit.

  4. Involontairement, l'approche « end of pipe » induit un effet économique douteux, dans la mesure où les activités de traitement de la pollution sont comptabilisées dans le PIB au même titre que d'autres activités économiques. Autrement dit, la pollution, dans la mesure où elle est traitée, fait augmenter la croissance économique - alors qu'en réalité, cette croissance reflète une dégradation de l'environnement !

  5. L'approche « end of pipe », qui vise essentiellement à respecter les standards minima édictés par les législations environnementales, encourage les entreprises à en faire le minimum sur le plan de l'environnement, dans une attitude réactive, plutôt qu'à adopter une approche proactive et préventive. On peut dire par conséquent qu'elle favorise une certaine inertie, voire paresse, technologique.

  6. Les pays industrialisés (OCDE) favorisent, souvent par le biais de subventions et d'aides diverses, l'exportation de leurs technologies « end of pipe » dans les pays en développement. Toutefois, cette tendance peut être vue comme leur étant défavorable, dans la mesure où elle incite ces pays à suivre une trajectoire de développement polluante, similaire à celle accomplie par les pays industrialisés. A l'inverse, une stratégie de «saut technologique» («leapfrogging» selon l'expression anglaise), leur donnant accès sans délai à des technologies plus efficaces (et donc moins polluantes) leur serait plus favorable.

  7. Enfin, l'approche « end of pipe » aborde les questions d'environnement par le petit bout de la lorgnette, en se concentrant uniquement sur le traitement des conséquences, sans intervenir à l'échelle systémique. En particulier, le traitement de la pollution reste sans effet sur le problème de la consommation des ressources. Pourtant, agir en amont, en diminuant la consommation de ressources, est l'une des meilleures manières de prévenir la pollution.