Cours en ligne et simulateur de thermodynamique appliquée

Dessalement de l'eau de mer

Cinquième module

Dans ce module, nous nous intéressons au dessalement de l'eau de mer qui consomme de grandes quantités de chaleur, de telle sorte qu'il peut constituer des débouchés pour les réacteurs nucléaires.

La limitation des ressources en eau potable dans de nombreuses régions du monde a depuis des siècles conduit l'homme à chercher à en produire à partir de l'eau de mer et des eaux saumâtres. La problématique du dessalement s'apparente à bien des égards à celle de la concentration des solutions aqueuses, à la réserve près que l'effet utile n'est pas le même : on s'intéresse au distillat et non au concentrat.

Dans ce module, nous nous contentons de présenter succinctement les principales techniques de dessalement aujourd'hui mises en œuvre industriellement, sans en faire une présentation exhaustive.

L'un des paramètres les plus importants pour caractériser l'eau à traiter est sa salinité, généralement exprimée en g/l. Sa valeur varie selon les mers du globe, de 35 g/l pour l'Atlantique à 50 g/l et plus dans le Golfe Persique.

Le volume horaire est d'environ 2 h de travail.

Thème 1 : Retard à l'ébullition

Une caractéristique importante à prendre en compte pour la modélisation de l'eau salée est ce qu'on appelle le retard à l'ébullition.

La pression de vapeur saturante d'un mélange (soluté-solvant) diminue selon la loi de Raoult. Il en résulte que, à pression donnée, sa température d'ébullition est légèrement supérieure à celle du solvant pur. On appelle retard à l'ébullition ou élévation du point d'ébullition cet écart de température ΔTeb. Physiquement, cela vient de ce que la présence du soluté gêne l'évaporation du solvant, qui ne peut être faite qu'à température plus élevée.

On peut démontrer que ΔTeb est donné par la loi suivante :

ΔTeb = i x Keb/ρ

  • i est le coefficient de van't Hoff du soluté, représentatif du nombre de particules élémentaires (ions...) formés dans la solution ;

  • x est la concentration massique en soluté

  • Keb est la constante ébullioscopique du solvant pur ;

  • ρ est la masse volumique du solvant.

La loi ΔTeb = i x Keb/ρ indique que le retard à l'ébullition est proportionnel à x. En pratique, si l'on peut supposer que ρ et Keb sont constants, hypothèse valable pour un petit intervalle de température, il suffit de connaître quelques valeurs de ce retard à l'ébullition pour l'identifier sous la forme suivante :

ΔTeb = K x

La classe externe EauSalee utilisée dans le modèle Thermoptim d'eau salée tient compte du retard à l'ébullition.

Ce texte à trous vous permettra de vérifier votre compréhension du retard à l'ébullition.

Thème 2 : Cycle évaporatif à simple effet

Dans un bouilleur classique à simple effet (figure ci-dessus), on injecte en 1 le produit à concentrer (soluté + solvant) dans une unité, chauffée par un apport de chaleur quelconque Q (vapeur 4-5). En 3, en bas de l'unité, est extrait le produit concentré, tandis que la vapeur de solvant (buées) sort en 2 et est condensée, son enthalpie étant perdue.

En appelant x la concentration massique en soluté, les équations qui régissent le comportement de cette unité sont les suivantes :

  • conservation du débit total : m1 = m2 + m3

  • conservation du soluté : x1 m1 = x3 m3

  • conservation de l'enthalpie : h1 m1 + Q = h3 m3 + h2 m2

Thème 3 : Distillation

La distillation utilisant un tel bouilleur est le système le plus simple pour dessaler l'eau de mer. Elle consiste à vaporiser l'eau en apportant de la chaleur à haute température, puis à condenser la vapeur produite.

Un cycle de dessalement à simple effet peut être facilement modélisé avec Thermoptim.

Bouilleur à simple effet

Dans cet exemple, 2 kg/s d'eau de mer de salinité égale à 35 g/l, préalablement préchauffée à 70 °C, entrent dans le bouilleur pour fournir 1 kg/s d'eau douce. Le débit de vapeur saturée à 12 bars est de 1,27 kg/s. La puissance thermique mise en jeu est de 2513 kW en l'absence de pertes, et il faut rejeter au condenseur 2552 kW pour refroidir à 30 °C l'eau distillée.

Une autre façon de présenter les résultats est de dire qu'il faut 1,27 kg/s de vapeur pour produire 1 kg/s d'eau douce. La consommation spécifique de fonctionnement CSF, qui est le rapport entre ces deux débits est égale à 1,27. La consommation spécifique d'énergie CSE qui correspond à l'énergie consommée pour évaporer l'eau, est égale à un peu moins de 700 kWh/t.

Distillation a effet multiple

Afin de récupérer une partie de l'enthalpie disponible dans la vapeur distillée, il est possible de disposer en cascade plusieurs unités de distillation. On parle alors de cycle à effet multiple. Toutefois, l'augmentation de la concentration de l'eau de mer en sortie du bouilleur conduit à un accroissement de la température d'évaporation, du fait du retard à l'ébullition, et il faut alors baisser progressivement la pression qui règne dans les unités.

Il est aussi possible comme expliqué ci-dessous d'utiliser une compression mécanique de vapeur.

Cycle de dessalement à détentes successives (ou flash)

Dans un cycle à détentes successives, l'eau de mer est préchauffée par échange thermique avec la vapeur d'eau distillée. Afin de réduire les écarts de température entre les deux fluides, on réalise un arrangement global à contre-courant, en mettant en série plusieurs chambres, comme indiqué figure ci-dessous. Dans chacune des chambres, l'eau salée est détendue par flash, ce qui suscite sa vaporisation partielle.

Cycle de dessalement à détentes successives (ou flash)

L'eau de mer à basse température se réchauffe dans la chambre à la pression la plus basse, puis passe dans la chambre suivante et ainsi de suite. Un complément à haute température est fourni grâce à de la vapeur d'appoint.

L'eau de mer chaude est détendue dans la première chambre, la vapeur distillée produite étant condensée comme indiqué précédemment. Le résidu concentré en sel est alors dirigé vers la chambre suivante à pression plus basse, et ainsi de suite.

Le synoptique de la figure ci-dessous montre que l'appoint à fournir pour évaporer 1 kg/s d'eau est ici égal à 0,54 kg/s.

La CSF vaut 0,54 et la CSE 296 kWh/t.

Synoptique d'un cycle à détentes successives (ou flash)

Un exemple de modèle de chambre flash est disponible dans la modélothèque.

Thème 4 : Dessalement par osmose inverse

Considérons deux milieux constitués de deux mélanges du même couple solvant- soluté mais de concentration différente, et séparés par une membrane semi-perméable. L'expérience montre que :

  • si les deux milieux sont à la même pression, un transfert de solvant appelé osmose prend place ;

  • si l'on applique une certaine pression, appelée pression osmotique π, au milieu le plus concentré, ce transfert peut être annulé ;

  • si l'on exerce une pression supérieure à π, le solvant migre de la solution la plus concentrée vers l'autre : on parle alors d'osmose inverse.

Unité d'osmose inverse

C'est sur ce principe que fonctionnent les installations de dessalement par osmose inverse (figure ci-dessus) : on applique une pression supérieure à la pression osmotique à de l'eau salée dans une enceinte munie d'une membrane semi-perméable, et l'on recueille de l'autre côté de la membrane une solution de très faible salinité, appelé perméat.

L'énergie consommée correspond uniquement au travail de compression de la solution initiale, et est donc beaucoup plus faible que celle mise en jeu (sous forme thermique) dans la plupart des autres dispositifs de dessalement.

La loi de van't Hoff (1) stipule que la pression osmotique exercée par le soluté est égale à la pression qu'il aurait exercé dans l'état gazeux parfait dans le même volume et à la même température. Si le soluté est dissocié sous forme d'ions, la pression osmotique est multipliée par le nombre ni d'ions présents.

π = ni X R T (1)

Pour l'eau de mer, l'ordre de grandeur de π est 25 à 30 bar.

ΔP étant la différence de pression à travers la membrane, on peut montrer que le débit de solvant Je à travers la membrane est donné par (2).

Je = A (ΔP – Δπ) (2)

A est appelée perméabilité à l'eau de la membrane. C'est un paramètre caractéristique de la membrane, qui dépend de la température selon une loi de type Arrhénius (3).

A = A0 exp[ E/R (1/298- 1/T ) ] (3)

Même s'il existe un transfert préférentiel du solvant, on ne peut empêcher qu'une faible fraction du soluté traverse aussi la membrane. Le débit Js de soluté est donné par (4). Il est proportionnel à la différence de concentration.

Js = B ΔX (4)

B est la perméabilité au sel de la membrane. Elle dépend de la membrane mais pas de la température.

Le taux de conversion est le rapport du débit qui traverse la membrane au débit d'alimentation., et le taux de rétention est le rapport de la différence de concentration entre la solution initiale et le perméat à la concentration de la solution initiale.

Ecran du composant d'osmose inverse
Synoptique d'une unité d'osmose inverse

Ce modèle de dessalement par osmose inverse est disponible dans la modélothèque.

Ce texte à trous vous permettra de vérifier votre compréhension du phénomène d'osmose inverse.

Thème 5 : Cycles à compression mécanique de vapeur

Dans la plupart des situations qui conviendraient pour l'utilisation d'une pompe à chaleur (faible écart de température entre une source froide "gratuite" et des besoins en chaleur), la compression ou recompression mécanique de vapeur se présente comme une alternative performante si la source froide est un gaz ou une vapeur. Il est alors possible d'éviter l'évaporateur, éventuellement le condenseur, et donc d'obtenir des performances élevées.

En effet, la compression de la vapeur (vapeur d'eau ou gaz dans un procédé) permet de relever sa pression et sa température, et donc son enthalpie. Si la vapeur comprimée peut être valorisée soit dans un procédé, soit sur le plan énergétique, l'opération de compression peut se révéler très intéressante économiquement.

Dans un cycle évaporatif à compression mécanique de vapeur (figure ci-dessous), l'idée consiste à relever le niveau enthalpique de la vapeur du solvant de telle sorte qu'elle puisse être directement utilisée pour fournir la chaleur initiale au bouilleur.

Le schéma de base se présente comme sur la figure ci-dessus et son cycle est tracé sur le diagramme entropique de la figure ci-dessous : en 0, le produit à concentrer est introduit dans deux échangeurs-récupérateurs de chaleur où il est préchauffé (0-1) par le produit concentré (refroidi selon (1'-7)) et par les condensats (refroidis selon (5-6)).

Dans le bouilleur, le produit à concentrer est partiellement évaporé (1-2) par échange avec sa propre vapeur, qui se condense (4-5).

En bas du bouilleur, le produit concentré est extrait en 1', tandis que la vapeur de solvant sort en 2 pour être recomprimée en 3, et acquérir ainsi un niveau enthalpique lui permettant de servir de source chaude au cycle. Afin de garantir des coefficients d'échange thermique importants (diphasiques) dans le bouilleur, la vapeur est fréquemment désurchauffée de 3 en 4 par l'intermédiaire d'un échangeur séparé, refroidi par de l'eau de désurchauffe, quitte à ce qu'un appoint de vapeur soit effectué en 4.  

L'intérêt énergétique de l'opération est qu'en fournissant un faible complément enthalpique h23 (mais sous forme mécanique), il est possible de récupérer l'enthalpie de condensation h45 de la vapeur du solvant. À titre indicatif, dans le cas où le solvant est de l'eau, qui possède la particularité d'avoir une chaleur de vaporisation très importante (près de 10 fois supérieure à celle des hydrocarbures), h23 est en pratique compris entre 3 et 9 % de h45.

Ce texte à trous vous permettra de vérifier votre compréhension de la compression mécanique de vapeur.

Cycle évaporatif à compression mécanique de vapeur

La figure ci-dessous présente une modification du bouilleur à simple effet étudié précédemment auquel on a ajouté une compression mécanique de vapeur (les buées) pour assurer la plus grande partie de la fourniture de chaleur.

La puissance thermique d'appoint est divisée par 10, tandis que la puissance du compresseur n'est que de 35 kW. Le rapport (vapeur évaporée)/(vapeur de chauffage) vaut 9.

Bouilleur à compression mécanique de vapeur

Cycle de dessalement à éjecteur ou thermocompression

Une autre solution assez généralement employée consiste à utiliser la vapeur d'appoint comme flux moteur dans un éjecteur, afin d'entraîner la vapeur distillée sortant de la dernière unité d'un cycle à effet multiple, ce qui permet de la recomprimer et de s'en servir pour fournir au bouilleur la puissance thermique dont il a besoin.

La figure ci-dessous montre l'architecture d'un tel cycle. Le débit de vapeur motrice est nettement plus important que pour une installation à CMV, mais le coût de l'éjecteur est très inférieur à celui d'un compresseur.

Dans cet exemple, 3 kg/s d'eau de mer préchauffée à 70 °C entrent dans un premier bouilleur. Il en sort 1 kg/s d'eau douce à l'état de vapeur, et 2 kg/s d'eau de mer concentrée, qui est dirigée vers un second bouilleur chauffé par la vapeur d'eau douce, qui en sort presque totalement condensée. Ce second bouilleur produit lui aussi 1 kg/s d'eau douce sous forme de vapeur, qui est utilisée comme fluide secondaire dans un éjecteur dont le fluide moteur est de la vapeur à 12 bars et 108 °C en provenance de l'extérieur. La vapeur mélangée sort de l'éjecteur à 1,09 bar et 112 °C, ce qui lui permet de fournir au premier bouilleur la chaleur dont il a besoin.

Bouilleur à double effet et éjecteur

Dans le septième module, nous utiliserons ce cycle comme exemple de cogénération couplée à un réacteur nucléaire de type REP.

Connaissances acquises

Grâce à ce programme, à la fin du module, vous :

  • serez familiarisés avec des notions comme le retard à l'ébullition, la distillation ou la compression mécanique de vapeur

  • connaîtrez différentes techniques permettant de produire de l'eau douce à partir d'eau salée

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