Cours en ligne et simulateur de thermodynamique appliquée

Références pédagogiques

Références sur les processus cognitifs et sur la pédagogie

L'un des paradoxes les plus criants du système d'enseignement supérieur, dans le monde entier, est que les enseignants sont évalués en premier lieu sur leurs résultats en recherche et non pas sur la qualité de leur enseignement. Dans de nombreux cas (avec quelques exceptions comme les professeurs des Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles en France), leur formation pédagogique est extrêmement réduite.

C'est pourquoi nous avons rassemblé dans cette page un certain nombre de références bibliographiques ou de liens Internet qui nous ont été utiles lors de nos propres réflexions sur la pédagogie de la thermodynamique. Elles sont loin d'être exhaustives mais peuvent constituer une introduction utile pour un certain nombre de collègues.

Lorsqu'on s'intéresse à l'acquisition des connaissances et à leur mémorisation, il importe de savoir quels sont les mécanismes cognitifs fondamentaux qui sont mis en oeuvre dans ce contexte. C'est précisément l'un des objets des sciences cognitives, qui s'intéressent à l'étude des processus mentaux supérieurs, notamment ceux qui permettent la mémorisation, l'acquisition des connaissances et la résolution de problèmes. Nous commencerons donc par donner quelques résultats des sciences cognitives qui nous semblent importants.

Mécanismes cognitifs fondamentaux

Les sciences cognitives se situent au confluent des préoccupations de nombreuses autres sciences humaines et de la cybernétique, dans la mesure où cette dernière a fréquemment recours à des analogies entre le fonctionnement de l'esprit humain et celui des ordinateurs, qui sont, parmi tous les artefacts humains, ceux qui sont le plus susceptibles de manifester de l'intelligence (artificielle).

Un certain nombre de phénomènes jouent un rôle central dans les processus cognitifs, parmi lesquels :

  • la structure de la mémoire et le processus de mémorisation

  • la représentation des connaissances

Structure de la mémoire et processus de mémorisation

Les recherches sur la mémoire menées depuis une cinquantaine d'années ont permis de mieux comprendre la mémoire et d'en proposer des modèles. L'un des modèles les plus cités est celui d'Atkinson et Shiffrin (1968), qui distingue trois composants principaux :

  • la mémoire sensorielle

  • la mémoire de travail

  • et la mémoire à long terme

La mémoire sensorielle est activée lorsqu'un organe de perception, notamment visuel ou auditif, perçoit des informations. Sa particularité est d'être très éphémère : l'information brute reçue n'est stockée que pendant un temps très bref dans la mémoire sensorielle (1/3 s pour l'information visuelle, et 3-4 s pour l'auditive).

Miller a montré dans les années 50 que la mémoire de travail est quant à elle très limitée : le cerveau humain n'est capable de manipuler simultanément que 5 à 7 éléments différents au plus. Cependant, ces éléments peuvent eux-mêmes être très complexes, ce qui permet de circonvenir cette contrainte comme nous le verrons plus loin. Par ailleurs, la mémoire de travail peut être légèrement étendue si l'on fait appel à la fois aux représentations discursives et visuelles, mobilisant ainsi plusieurs formes d'intelligence.

C'est la mémoire de travail qui effectue les opérations d'analyse et de décomposition des informations brutes reçues, pour les décoder, les reformuler et les relier aux connaissances antérieures, et qui doit leur donner un sens compte tenu de leur nature et du savoir pré-existant. Si la charge cognitive imposée dépasse les capacités de traitement de la mémoire de travail, une partie de l'information au moins est perdue.

C'est dans la mémoire à long terme que le savoir est stocké de manière permanente, selon des processus encore mal connus, de nombreuses questions restant ouvertes, notamment celle de l'oubli. Seules des informations ayant un sens peuvent être mémorisées à long terme de manière à être facilement retrouvables.

La mémorisation est facilitée par différentes techniques comme la répétition, l'association d'images, l'utilisation de moyens mémnotechniques comme les acronymes, les mots-clés ou les petites histoires...

En résumé, les processus cognitifs supérieurs doivent, en utilisant la mémoire de travail, attribuer un sens à l'information brute transitant par la mémoire sensorielle, et ceci très rapidement faute de quoi elle est remplacée par un nouveau flux d'information. Si elle est jugée significative dans ce temps très bref, cette information peut être enregistrée dans la mémoire à long terme.

Bien évidemment, la mise en oeuvre de ces processus et leur synchronisation se fait essentiellement de manière inconsciente.

Représentation des connaissances et mémorisation

Les informations perçues par les canaux sensoriels doivent être interprétées avant d'être comparées aux connaissances existantes. Pour pouvoir être mémorisées, celles qui ne sont pas déjà acquises subissent des transformations et élaborations éventuellement complexes.

Ce que l'on peut appeler les éléments mémorisables peuvent prendre des formes diverses. Les cognitivistes distinguent ainsi couramment :

  • les concepts généraux, comme par exemple celui d'habitation, ou de chien, qui permettent de représenter une catégorie d'objets, caractérisée par un ensemble de propriétés spécifiques aussi bien que par ses relations avec d'autres concepts ;

  • les propositions, qui peuvent être définies comme des connaissances déclaratives élémentaires ;

  • les productions, qui représentent des briques élémentaires de connaissances procédurales ;

  • les schèmes ou schémas mentaux, qui correspondent à des structures de connaissances organisées. Compte tenu du rôle fondamental qu'ils jouent dans l'acquisition du savoir, nous développons ci-dessous leur présentation.

Les schémes sont des éléments organisés qui nous permettent de construire des représentations mémorisables du monde. La plupart des schèmes sont construits lors d'apprentissages, mais on pense que certains schèmes primitifs sont innés, notamment certains de ceux sur lesquels est fondé le langage.

Il existe de nombreux types de schèmes pour représenter des objets, des personnes, des concepts abstraits, des relations entre schèmes… Un schème peut encapsuler d'autres schèmes, à la manière des poupées russes, et même des structures complexes mettant en jeu d'autres schèmes.

Les schèmes ne sont pas de simples copies du monde, mais le résultat d'une élaboration des informations sur le monde dont nous disposons. Ce sont des structures dynamiques et adaptatives, qui peuvent intégrer, en cas de besoin, de nouvelles données.

En résumé, les schèmes sont des briques cognitives élémentaires, qui permettent d' interpréter le monde afin de le rendre intelligible et de pouvoir le mémoriser. Ils interviennent de surcroît dans la constitution des outils opérationnels dont nous nous dotons ou que nous construisons pour agir sur le monde.

Nous avons souligné ci-dessus les limites de notre mémoire de travail, en indiquant qu'elle ne peut manipuler simultanément que 5 à 7 éléments différents au plus. Précisons maintenant que ces éléments sont généralement des schèmes, et que c'est en utilisant des schèmes de plus en plus élaborés que nous pouvons circonvenir cette limite.

La construction et la mémorisation initiales d'un schème sont des tâches difficiles qui mobilisent intensément la mémoire de travail. Ultérieurement, la mise en oeuvre répétée de ce schéme permet de progressivement automatiser son utilisation : il devient un outil opérationnel encapsulant un savoir complexe qui peut être manipulé en économisant le recours à la mémoire de travail. L'automatisation des schèmes permet à la fois de structurer la mémoire à long terme et de traiter sans effort des informations complexes malgré une mémoire de travail limitée.

Au fur et à mesure que notre connaissance d'un domaine s'affine, nous devenons capables d'enrichir les schèmes que nous mobilisons pour résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Nous ne pouvons toujours en manipuler simultanément qu'un petit nombre, mais leur puissance individuelle croît de plus en plus.

C'est ainsi que ce qui distingue le plus un expert d'un novice, ce n'est pas son intelligence ou sa capacité de travail, mais le degré d'élaboration et de sophistication des schèmes dont il dispose pour aborder son domaine de compétences : il a organisé sa mémoire à long terme en y stockant de nombreux schèmes auxquels il peut faire appel en fonction des difficultés rencontrées et peut s'appuyer sur des bases de connaissances très étendues et hautement organisées pour résoudre les problèmes qui lui sont soumis.

Références

Miller, G. A. (1956). The magical number seven plus or minus two : Some limits on our capacity for,processing information. Psychological Review, 63 , 81-97.

Atkinson, R.C., & Shiffrin, R. M. (August 1971). The control of short-term memory. Scientific American, 82-90

Shiffrin, R. M., & Schneider, W. (1977). Controlled and automatic human information processing: II. perceptual learning, automatic attending, and a general theory. Psychological Review , 84 , 127 - 190.

Conception constructiviste de l'apprentissage

Le champ d'application de cette théorie étant très vaste, nous focaliserons sa présentation sur son utilisation dans le domaine des sciences de l'ingénieur.

Hypothèses sur l'apprentissage

Pendant le processus d'apprentissage, l'apprenant construit une réalité ou du moins l'interprète sur la base de ses perceptions. Alors que traditionnellement, les conceptions objectivistes de l'apprentissage sont centrées sur l'objet du savoir plutôt que sur le processus de son acquisition, les constructivistes supposent que les étudiants construisent leur connaissance en interprétant leurs perceptions en fonction de leurs connaissances antérieures, de leurs structures mentales existantes, et de leurs croyances.

L'apprentissage demande ainsi de relier les nouvelles informations aux connaissances antérieures afin d'affiner les structures cognitives existantes (schèmes).

La connaissance est mal structurée si les catégories auxquelles elle fait appel sont mal définies, c'est-à-dire si elles ont des attributs variables ou des critères ambigus. Les domaines de connaissance mal structurés manquent de règles ou de principes généraux pour décrire les cas rencontrés. Leurs caractéristiques ne permettent pas de déterminer les actions appropriées, et des contradictions existent entre les cas.

Le monde réel, les études de cas et les environnements d'apprentissage

L'apprentissage le plus performant, celui qui a le plus de sens et est donc le plus efficace, est basé sur des études de cas et fait appel à des tâches représentatives du monde réel. Les constructivistes contestent donc les apprentissages non fondés sur un contexte réel bien approprié, en l'absence duquel l'information est moins significative.

Les contextes d'étude les plus efficaces sont ceux qui sont basés sur des problèmes ou des études de cas qui mettent l'étudiant en situation et exigent de lui qu'il acquière des compétences ou des connaissances afin de résoudre un problème concret.

Un apprentissage en situation

Les caractéristiques de l'apprentissage cognitif incluent l'articulation (rendre explicite la connaissance tacite) et l'exploration (apprendre comment former et tester des hypothèses).

Par une réflexion métacognitive, les apprenants peuvent mieux contrôler leur apprentissage, apprendre des autres, et développer la réflexion pendant l'action ainsi que la réflexion sur l'action.

Rôle des NTE dans la formation

L'hypertexte fait partie des meilleurs exemples d'environnements d'apprentissage constructiviste. Les environnements utilisant les NTE favorisent également la construction des connaissances en fournissant des outils d'apprentissage cognitif.

Les environnements NTE, tels que l'hypertexte, peuvent représenter le monde aux étudiants dans sa complexité naturelle. Plutôt que de simplifier la réalité afin de la rendre plus facilement compréhensible, les interprétations de la réalité, et les tâches auxquelles elles conduisent, ont besoin d'être situées dans un contexte significatif et réel qui reflète la complexité naturelle et mal structurée du monde réel.

Plutôt que de chercher à représenter le monde à l'étudiant, les outils NTE devraient fournir des boîtes à outils lui permettant d'établir des interprétations et des représentations personnelles du monde plus significatives.

Les constructivistes pensent que des étudiants à un niveau avancé d'acquisition des connaissances devraient être confrontés à des environnements d'étude ouverts qui reflètent la complexité du monde réel. Ces environnements devraient être basés sur des études de cas en prise avec la réalité du monde externe.

Environnements collaboratifs de construction des connaissances

La négociation sociale de la compréhension suggère de mettre l'accent sur l'apprentissage coopératif dans lequel l'étudiant est exposé à des points de vue alternatifs qui remettent en cause sa compréhension initiale. Les constructivistes pensent donc que les environnements d'apprentissage devraient favoriser la construction collaborative des connaissances en impliquant à la fois les professeurs et les étudiants.

De même que l'apprentissage actif est le plus efficace, les étudiants peuvent beaucoup apprendre de l'observation d'autres étudiants qui éprouvent et résolvent des difficultés analogues.

Evaluation

L'apprentissage constructiviste n'est pas censé refléter la réalité, mais plutôt permettre de construire des interprétations significatives. L'évaluation constructiviste doit refléter ce mode de construction.

Les évaluations des environnements constructivistes devraient permettre de mesurer les progrès réalisés au niveau des processus mentaux supérieurs

Conclusion

L'enseignement supérieur est particulièrement approprié pour intégrer des approches constructivistes parce que son objectif est de favoriser l'acquisition de connaissances avancées et de former des adultes autonomes.

Références

Jonassen D., Mayes T., McAleese R., A Manifesto for a Constructivist Approach to Technology in Higher Education, In Duffy T., Jonassen D., & Lowyck J. (Eds), Designing constructivist learning environments. Heidelberg, FRG: Springer-Verlag

On pourra aussi utilement se référer aux intéressantes synthèses effectuées par B. Wilson sur les différentes théories pédagogiques récentes, qui sont disponibles en ligne.

Distinction entre savoir et savoir-faire

Lorsqu'un enseignant veut définir le contenu de son enseignement, disposer d'une typologie adéquate pour décrire les connaissances à transmettre nous semble aussi essentiel que de préciser les objectifs pédagogiques.

Pour aborder ce sujet, la didactique met l'accent sur la distinction aujourd'hui classique entre savoir et savoir-faire. Develay précise que "les connaissances déclaratives sont de l'ordre du discours, du savoir, alors que les connaissances procédurales sont de l'ordre de l'action, du savoir-faire". Cette distinction est bien évidemment essentielle, mais elle est trop globale pour notre propos.

Par ailleurs, les didacticiens ont montré que le savoir tel qu'il est enseigné diffère du savoir dit savant, c'est-à-dire tel qu'il existe pour le monde de la recherche. Ils insistent sur la nécessaire transposition didactique des savoirs savants, qui doit être faite compte tenu notamment des pratiques sociales de référence, qui précisent le contexte dans lequel s'inscrit l'enseignement ("activités de recherche, de production, d'ingénierie, mais aussi activités domestiques et culturelles").

La transposition didactique permet de préciser la différence entre les savoirs savants et le savoir enseigné ; elle doit naturellement être plus poussée au collège qu'au lycée, en premier cycle qu'en deuxième ou troisième…

Develay, M. , De l'apprentissage à l'enseignement, ESF, 1992

Toussaint, J. (Coord.) Didactique appliquée de la physique-chimie, Nathan Pédagogie, Paris, 1996.

Articulations des connaissances scientifiques : le modèle RTM(E)

Les concepts introduits par la didactique sont essentiels, mais ils ne suffisent évidemment pas pour définir concrètement le contenu de l'enseignement.

Faute d'avoir trouvé dans la littérature un modèle qui réponde pleinement à notre attente, nous en proposons un, appelé RTM(E), dans lequel les connaissances à transmettre sont regroupées en quatre grandes catégories reliées entre elles, appelées la Réalité, la Théorie, les Méthodes (et les Exemples).

L'étude de la Réalité (ou encore des faits, de la nature, du terrain, du monde, de la technologie…) par l'observation, l'analyse et l'expérimentation, permet de développer ou d'affiner la Théorie , c'est-à-dire un schéma explicatif mettant en évidence les ressemblances des différentes observations de la Réalité, et les expliquant de manière à la fois cohérente et aussi simple et générique que possible. La Théorie d'une part constitue ainsi une grille de lecture de la Réalité, et d'autre part sert de guide pour l'élaboration de Méthodes (et/ou d'outils opérationnels) de résolution de problèmes, faisant si nécessaire appel à des concepts spécifiques.

Cette typologie structure de manière très féconde les connaissances relatives à une discipline scientifique, surtout si elle est complétée par les principaux Exemples d'application, qui illustrent très concrètement comment résoudre (grâce aux Méthodes et dans le cadre d'une Théorie) une classe de problèmes relative à un aspect particulier (de la Réalité).

L'apprentissage d'une discipline scientifique suppose ainsi l'acquisition à la fois de connaissances déclaratives pour la Réalité et la Théorie, et de connaissances procédurales pour les Méthodes, qui correspondent essentiellement à du savoir-faire. Lors de l'étude des Exemples, les élèves acquièrent d'une part des connaissances sur la Réalité, et d'autre part de la pratique des Méthodes. C'est à cette occasion qu'ils voient comment la théorie peut être appliquée au monde réel, selon des règles qui, bien qu'éventuellement spécifiques à un exemple, s'inscrivent toutes dans le même cadre théorique.

Lors de la présentation des Exemples, il est essentiel que les enseignants passent le temps nécessaire pour bien faire le lien entre la description des technologies et les hypothèses de modélisation qui sont faites dans les Méthodes. Il faut par exemple, expliquer avec soin pourquoi un compresseur ou une turbine peuvent le plus souvent être considérés adiabatiques, pourquoi un échangeur de chaleur ou une chambre de combustion fonctionnant en système ouvert[1] sont en première approximation isobares…

Les Exemples jouant un rôle fondamental dans l'apprentissage, il est impératif qu'ils soient réalistes, faute de quoi la perception qu'auront les élèves du champ de la discipline sera erroné : ils auront l'impression qu'elle ne résoud pas les vrais problèmes. Cette dernière remarque est un argument à charge contre la méthode classique d'enseignement de la thermodynamique : à trop mettre l'accent (pour soi-disant simplifier les choses) sur les modèles de gaz parfait, les élèves finissent par penser que la capacité de résolution de la discipline y est limitée.

Réalité, Théorie, Méthodes et Exemples constituent une part essentielle de ce que Kuhn, dans la postface de la 2ème édition française de La Structure des Révolutions Scientifiques, appelle la matrice disciplinaire, qui représente ce qu'un groupe de scientifiques a en commun (au lieu de Réalité, il parle de nature, au lieu de Théorie, de généralisations symboliques, mais le sens est bien le même, et il insiste fortement d'une part sur l'objectif de la "science normale" qui est de résoudre des énigmes, ce qui nécessite la mise au point de Méthodes, et d'autre part sur le rôle-clé joué par les Exemples). L'importance de la matrice disciplinaire tient à ce qu'elle est caractéristique de l'identité du groupe et à ce que son contenu fait partie intégrante de la formation des étudiants, du fait du rôle fondamental qu'elle joue dans la structuration des schèmes. Ceci rejoint une remarque de Develay, qui indique que "les savoirs à enseigner constituent l'héritage qu'une génération souhaite léguer aux suivantes".

Kuhn, T.S. , postface à "La Structure des révolutions scientifiques", Flammarion, 1972

Develay, M. , De l'apprentissage à l'enseignement, ESF, 1992

Gicquel, R., Utilisation pédagogique des simulateurs : Volet 1 : éclairages de la didactique , Bulletin de l'Union des Professeurs de Physique-Chimie, n° 868, novembre 2004.

Gicquel, R., Utilisation pédagogique des simulateurs : Volet 2 : application à l'enseignement de la thermodynamique , Bulletin de l'Union des Professeurs de Physique-Chimie, n° 869, décembre 2004.

Modèle SRK : trois niveaux de contrôle cognitif selon le degré d'expertise

Pour Rasmussen, le contrôle cognitif humain est structuré, hiérarchisé et adaptable, et capable de traiter les informations selon trois niveaux : le niveau basé sur les savoir-faire ou compétences ( Skills), le niveau basé sur les règles ( Rules) et le niveau basé sur les connaissances ( Knowledge).

Très schématiquement, lorsqu'un individu entreprend une tâche qu'il connaît parfaitement, il fait appel à son savoir-faire (S, Skill-based behaviour). Ses réactions sont très rapides et permettent de passer de la mise en activation à l'exécution grâce à des processus sensori-moteurs inconscients. De tels automatismes sont mis en oeuvre selon un modèle interne préalablement acquis et peuvent l'être en parallèle avec d'autres activités routinières.

S'il est confronté à une situation nouvelle, il commence par chercher s'il n'a pas déjà résolu des difficultés analogues. Sa réaction n'est plus automatique, mais elle repose sur la mise en place de procédures d'action contrôlées par des règles (R, Rule-based behaviour) ou des procédures dérivées d'expériences antérieures. Par exemple, un opérateur de conduite se réfère à un recueil de consignes pour savoir comment traiter un cas peu fréquent.

Enfin, s'il doit faire face à un problème qu'il ne connaît pas du tout, qui ne ressemble en rien aux situations qu'il a déjà rencontrées, l'individu ne dispose pas de schéma de résolution adapté. Pour trouver une solution, il tente de bâtir des raisonnements permettant d'atteindre ses objectifs, sur la base de ses seules connaissances, sans disposer de règles sur lesquelles s'appuyer. Les décisions adoptées peuvent être plusieurs fois remises en cause. On parle alors de raisonnement basé sur les connaissances (K, Knowledge-based behaviour).

Cette théorie, très intéressante et féconde, a été développée initialement pour répondre à un problème précis, celui de la formation d'opérateurs de conduite de dispositifs techniques complexes, comme le contrôle aérien ou les centrales nucléaires. Elle s'adresse donc à des individus suivant un enseignement très finalisé, correspondant à un métier qui sera exercé pendant une longue période, avec pour objectif l'acquisition d'une expertise opérationnelle.

Ce modèle permet de comprendre comment un opérateur agit (i.e. en fonction de quels moyens) mais pas véritablement pourquoi il agit et comment il construit ses connaissances. Il est basé sur une interprétation syntaxique plutôt que sémantique.

Rien ne prouve que ce modèle s'applique aussi bien au cas d'élèves généralistes en formation initiale, qui ont à apprendre un ensemble de disciplines souvent varié, sans avoir l'ambition d'acquérir une expertise dans l'une d'elles en particulier, du moins à ce stade de leur cursus.

RASMUSSEN, J. Skills, Rules and Knowledge : Signals, Signs and Symbols and Other Distinctions in Human Performance Models. IEEE trans. on Systems, Man and Cybernetics, 13, 257-266 1983.

Théorie de la charge cognitive : privilégier une bonne structuration des connaissances

Le modèle SRK, très utilisé, insiste sur les différences entre les mécanismes cognitifs mis en oeuvre en fonction du degré d'expertise, mais il n'explique pas leur origine. La théorie de la charge cognitive fournit un cadre conceptuel très intéressant pour cela.

Sur la base d’une analyse détaillée des capacités de traitement de l’information de l’homme, Sweller montre que, la mémoire de travail à court terme étant comme nous l'avons vu limitée (nous ne pouvons traiter simultanément que peu d’éléments et devons leur attribuer un sens dans un temps très bref), les capacités humaines d’apprentissage sont réduites.

Pour contourner cette difficulté, deux mécanismes sont utilisés :

  • l’acquisition des schèmes, c'est-à-dire la construction de modèles mentaux explicatifs appropriés (voir plus haut), permet de décomposer l’information en éléments significatifs mémorisables ;

  • une fois les schèmes bien structurés, l’automatisation des tâches (règles procédurales) résulte ensuite de la pratique. Elle permet de retenir les méthodes de travail appropriées.

La charge cognitive représente le montant total d'activité mentale imposée à un moment donné à la mémoire de travail. Elle dépend essentiellement du nombre d'éléments que celle-ci doit traiter simultanément et de leur interactivité : il est beaucoup plus facile d'apprendre des éléments lorsqu'ils peuvent être considérés isolément les uns des autres que lorsqu'il faut les considérer en même temps. On montre d'ailleurs que la charge cognitive peut être grandement réduite si ces éléments et leurs relations peuvent être représentés graphiquement.

Elle est composée d'une part intrinsèque, liée à la difficulté de la matière étudiée, et d'une part externe, liée à la manière dont cette discipline est présentée. Compte tenu des limites de notre mémoire de travail, plus la charge cognitive intrinsèque est importante, plus il importe de réduire la charge externe en soignant la conception des supports de présentation adressés aux étudiants.

De surcroît, des surcharges cognitives apparaissent lorsque trop d’informations disparates doivent simultanément être prises en compte par l’esprit. Il importe donc de simplifier autant que possible le contenu des matériaux éducatifs utilisés, et d’éviter de présenter séparément des éléments qui ne peuvent être compris qu’ensemble.

Si l'on se réfère à cette théorie, il est fondamental que les élèves commencent par structurer leurs connaissances : il faut tout faire pour les guider dans cette tâche, en étant conscient qu'elle n'est pas directement intuitive, et qu'il n'y a aucune raison pour qu'ils découvrent par eux-mêmes des schèmes adéquats. Il faut les expliciter et s'assurer qu'ils sont pertinents pour eux et non pas simplement pour des experts.

On notera qu'il existe ici une petite difficulté dialectique : il est souhaitable que les élèves construisent par eux-mêmes leurs schèmes, mais ils ne peuvent cependant être livrés complètement à eux-mêmes. Il faut trouver des pédagogies centrées sur l'apprenant et suffisamment ouvertes.

Cette théorie explique bien pourquoi les parts respectives des règles et des compétences au sens de Rasmussen évoluent dans le temps en fonction du degré de pratique (et donc d'expertise) de l'apprenant. Elle rejoint par ailleurs les conclusions du modèle RTM(E), en affirmant que les exemples commentés jouent un rôle essentiel dans l'apprentissage, car ils permettent d'organiser les différentes connaissances de manière concrète et réaliste. La mémorisation des Exemples-clés de la discipline, rendue possible par des imprégnations successives à l'occasion d'activités pratiques personnelles, leur permet d'ancrer dans le concret leur culture du domaine et de pouvoir s'y référer ultérieurement.

Cooper, G. (1990). Cognitive load theory as an aid for instructional design, Australian Journal of Educational Technology, 6(2), 108-113.

Sweller, J. (1988). Cognitive load during problem solving: Effects on learning, Cognitive Science, 12, 257-285.

Sweller, J. Cognitive technology: Some procedures for facilitating learning and problem solving in mathematics and science. Journal of Educational Psychology, 81 (4), 457-466, 1989

Sweller, J., & Cooper, G. A. The use of worked examples as a substitute for problem solving in learning algebra. Cognition and Instruction, 2(1), 59-89, 1985

Sweller, J. (1994). Cognitive load theory, learning difficulty and instructional design. Learning and Instruction, 4 , 295-312.

Chandler P., Cooper G., Pollock E. & Tindall-Ford S., Applying Cognitive Psychology Principles to Education and Training

Modèle allostérique de l'apprendre : un processus complexe de remise en cause des conceptions antérieures

La théorie de la charge cognitive explique l'importance d'une bonne structuration des schèmes compte tenu des limites de la mémoire de travail de l'homme, mais elle ne s'intéresse pas à la manière dont l'apprentissage se fait. Le modèle allostérique de l'apprendre de Giordan apporte à ce niveau des éléments complémentaires, en analysant de manière détaillée les différentes étapes de déconstruction des conceptions initiales de l'apprenant, puis de construction / élaboration des nouveaux savoirs, mettant en jeu l'affectif, le cognitif et le sens, dans un contexte socio-culturel donné.

Les implications pratiques de cette théorie pour l'enseignement sont particulièrement intéressantes : elle permet de préciser diverses conditions et situations propices à l'apprentissage, qui peuvent servir de guide très pertinent pour la réalisation de produits pédagogiques multimédia.

Comme le souligne notamment A. Giordan, "si l'individu ne peut qu'apprendre seul --personne ne peut le faire à sa place, et on mesure là le rôle primordial de l'apprenant, seul véritable "auteur" de sa formation--, il a fort peu de chances de "découvrir" seul l'ensemble des éléments pouvant transformer ses questions, ses référents ou son rapport au savoir". Un produit NTE bien conçu peut beaucoup apporter de ce point de vue, en rassemblant ces éléments sous une forme facilement manipulable, pour former un véritable environnement pédagogique.

Giordan insiste par ailleurs à juste titre sur deux types de savoirs complémentaires des connaissances déclaratives et procédurales : les savoir-être qui représentent les attitudes à acquérir par les apprenants, et les savoirs sur le savoir, réflexions sur le parcours d'apprentissage, quelquefois aussi appelés metacognition.

Giordan, A., Platteaux, H. Le multimédia va-t-il remplacer l'école , Colloque National Le multimédia dans l'Education, les enjeux d'une mutation culturelle, Grenoble, 1996

Giordan, A., Apprendre : une alchimie complexe, Apprendre autrement aujourd’hui ? , 10e Entretiens de la Villette, Cité des Sciences et de l'Industrie, 1999

L'approche de Redish

Dans son article "The Implications of Cognitive Studies for Teaching Physics", Redish développe un certain nombre d'idées sur l'apport des études cognitives pour l'enseignement de la physique.

Il insiste particulièrement sur l'importance des modèles mentaux, qui peuvent être incomplets, et même incohérents avec d'autres éléments déjà mémorisés par les élèves. Il ne suffit pas de transmettre de bons modèles mentaux, il faut aussi s'assurer qu'ils sont mobilisables au bon moment, ce qui demande de la pratique. Ces modèles doivent être construits par l'élève, dont l'esprit n'est pas une "tabula rasa", mais qui arrive en cours avec ses propres préconceptions.

Redish insiste aussi sur l'importance des "touchstone problems", fils directeurs pour l'apprentissage d'une discipline, et conclut sur l'importance pour l'enseignant d'être réellement à l'écoute des difficultés rencontrées par ses élèves.

REDISH, E. F., The Implications of Cognitive Studies for Teaching Physics , American Journal of Physics, 62(6), 796-803 (1994)

  ABC de pédagogie pratique de l'EPFL

Le CRAFT de l'EPFL, Centre de Recherche et d'Appui pour la Formation et ses Technologies , propose une série de fiches intitulées ABC de pédagogie pratique , qui contiennent de nombreux conseils pertinents pour les enseignants désireux de faire évoluer leur pédagogie, notamment en ayant recours aux NTE.

  1. Systèmes ouverts et fermés

    Un système thermodynamique désigne une quantité de matière isolable de son environnement par une frontière fictive ou réelle. Ce système est dit fermé s'il n'échange pas de matière avec l'extérieur à travers ses frontières ; sinon il est dit ouvert. Les débutants sont souvent décontenancés par la distinction entre systèmes fermés et systèmes ouverts, ces derniers correspondant à un concept nouveau pour eux car au cours de leur scolarité de premier cycle, ils n'ont généralement étudié que des systèmes fermés (pour éviter la prise en compte des échanges de matière aux frontières).

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